Le groupe Citadia, à travers Even Conseil (expertise environnementale) et Citadia design (conception paysagère et maîtrise d’œuvre d’espaces publics) accompagne une dizaine de villes dans la définition de leur stratégie de végétalisation. Nous vous proposons de nous arrêter sur trois d’entre elles : Laval, Mende et Mont-de-Marsan.

Construire une vision stratégique et multifonctionnelle du végétal : une nécessité

En réponse au changement climatique et aux problématiques courantes générées par les caractéristiques denses et minérales des centres urbains, les villes prennent conscience de la nécessité de renforcer l’intégration des milieux semi-naturels dans leur écosystème. Longtemps reléguée à un rôle uniquement esthétique, la présence d’éléments végétalisés en ville s’appréhende aujourd’hui au regard des nombreux services rendus dits « écosystémiques » : supports de biodiversité, les éléments végétalisés permettent de lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur, d’améliorer la qualité de l’air, de favoriser la régulation des ressources en eau et d’offrir des espaces de bien-être.

La définition de « trames vertes urbaines », véritables maillages en éléments naturels des espaces (réseau de parcs, jardins, alignements d’arbres, massifs, etc.) apporte une réponse stratégique aux enjeux de végétalisation. Ainsi investies du rôle multifonctionnel qu’elles peuvent assurer, les trames vertes urbaines sont garantes de la durabilité et du confort des espaces de vie. Elles constituent également un levier d’action en faveur de la transition écologique des territoires, pour les rendre plus « habitables » et ainsi attractifs en les préparant aux défis de demain.

Si les épisodes caniculaires ont déclenché une accélération de la végétalisation des zones urbaines, les enjeux supportés par cette dynamique sont plus larges. Dans la recherche d’une réponse politique à un besoin de « reconnexion » à la nature exprimé par la population, et à une nécessaire adaptation aux effets du dérèglement climatique, la réalisation d’une étude de potentiel de végétalisation doit apporter des solutions concrètes, spécifiques et spatialisées.

Au service de cet objectif commun, les prismes d’entrée dans l’opérationnalité sont divers :

  • La ville de Laval s’interroge sur la gestion à venir de son patrimoine arboré au regard d’un déficit végétal constaté ;
  • La ville de Mont-de Marsan souhaite se positionner sur sa capacité à mener un développement plus durable nécessitant au préalable d’identifier le rôle de la végétalisation en cœur de ville ;
  • Investie sur le sujet pour restaurer un lien perdu avec le Lot, la ville de Mende se questionne sur la place du végétal dans un projet de réaménagement d’un site en bordure de rivière et sur sa connexion avec le cœur de ville via le végétal.

Mener une étude de potentiel de végétalisation : quelles étapes pour quelles réponses ?

#Diagnostic : le constat global d’une végétalisation contrainte

En constatant que les réaménagements récents des cœurs de villes ont certes amélioré leur attractivité, les villes s’accordent sur le caractère trop ponctuel et souvent monospécifique de la végétation apportée. La prise en compte de la morphologie des milieux urbains denses (étroitesse, passage des réseaux, faible luminosité, chaleur) et de leurs usages (places de marché ou d’évènement, stationnement, accès) complexifie le déploiement technique en limitant les choix aux gammes végétales adaptées, souvent restreintes à certains arbres. Ce constat traduit alors la difficulté des territoires à s’engager dans l’action, paralysés par les contraintes techniques, auxquelles s’ajoutent des contraintes réglementaires puis financières afférentes à la végétalisation de portions d’espaces denses et souvent patrimoniales. Le possible dévoiement de réseaux, l’accord de l’Architecte des Bâtiments de France ou encore la réalisation potentielle de fouilles archéologiques, constituent, entre autres, des freins d’envergure.

Intégrant ces contextes spécifiques, le diagnostic met en lumière un panel de sites potentiels de végétalisation, sélectionnés sur des critères de typologie/localisation et « d’efficacité ». Sur la typologie, il s’agit de réfléchir à la végétation partout où elle est bénéfique : places et placettes pour l’ombrage, abords de voirie et stationnements pour la gestion des eaux pluviales, pieds d’immeubles pour l’esthétique, espaces « sans usages » pour la production alimentaire, etc. En termes « d’efficacité », le maillage vert créé doit fournir des résultats rapides et probants.

Ainsi, là où les villes de Laval et de Mende se sont intéressées à la maîtrise foncière des sites en choisissant par exemple des espaces de stationnement ou des squares, la ville de Mont-de-Marsan a orienté la recherche de sites sur un critère de proximité pour améliorer l’accessibilité à tous des espaces verts.

Avec une diversité de potentiels recensés, le diagnostic ouvre le champ des possibles et propose une vision de la végétalisation qui peut s’opérer par « petites touches ».

Représentation schématique de l’accessibilité des espaces végétalisés ouverts au public – Laval

#Stratégie : définir, spatialiser et prioriser des axes de travail

La stratégie de végétalisation doit permettre la mise en réseau des espaces végétalisés pour assurer la cohérence et l’articulation de toutes les interventions à l’échelle de la ville. Sur la base d’un diagnostic conduit à l’échelle de sites, la réflexion à cette étape prend de la hauteur et est réalisée à l’échelle de l’ensemble du cœur de ville.

Chaque ville a ainsi décliné une stratégie de végétalisation spatialisée et spécifique orientée :

  • Sous l’angle de la diversité des fonctions de la nature en ville : création de « hotspots écologiques », amélioration visuelle des déambulations en cœur de ville, formalisation et qualification des entrées de ville, etc. sont autant d’objectifs que se fixe par exemple la ville de Mende ;
  • Dans l’intégration au sein d’engagements plus larges : une transition urbaine et environnementale en lien avec l’élaboration d’un Plan Climat et d’une labellisation « ville durable et innovante » pour la ville de Laval, une perspective de développement durable pour la ville de Mont-de-Marsan (démarche zéro déchet avec choix d’essences peu productrices de déchets, réduction des consommations d’eau avec des essences peu gourmandes).

Si les grands chantiers ne constituent pas les seules réponses au besoin de végétalisation des cœurs de ville, les « touches vertes » mises en réseau les unes avec les autres et priorisées selon leur capacité de résultat ont un pouvoir encore trop souvent sous-estimé.

Stratégie de création d’une coulée verte – Mont-de-Marsan

#Plan d’actions : fournir des clés pour réaliser les aménagements

Construit sous forme de fiches actions, le volet opérationnel de l’étude de végétalisation pose les bases des principes de végétalisation en apportant une réponse aux questions : quels aménagements, où, comment et à quel horizon ?

En proposant des actions concrètes, l’approche opérationnelle est aussi bien thématique que spatiale. Thématique dans les idées proposées pour développer le potentiel végétal : perméabiliser les pieds d’arbres, planter les rues de massifs, améliorer la porosité végétale des zones piétonnes, désimperméabiliser les revêtements, végétaliser les équipements, etc. Spatiale dans les scénarios d’aménagement construits : esquisse de l’aménagement du square du Bressal à Mende avec réalisation d’un cahier des charges pour engager la maîtrise d’œuvre, esquisses de réaménagements de 17 sites à Laval, élaboration d’un plan guide à Mont-de-Marsan.

Cette approche est notamment complétée par une analyse financière basée sur des ratios pour les investissements liés à l’aménagement et à l’entretien, pouvant aller jusqu’à la recherche de financements. Ainsi, les fiches actions offrent une vision complète et réaliste de la mise en œuvre d’une stratégie végétale.

Plan masse de l’aménagement du square du Bressal – Mende

Conclusion

Offrant l’occasion d’une vision à la fois stratégique et opérationnelle de l’apport de nature en ville, les études de potentiel de végétalisation, résultant de démarches volontaires, permettent une réponse spécifique aux besoins des territoires.

L’appropriation de ces missions par les collectivités est indispensable pour d’une part, s’assurer que les solutions « prêtes à l’emploi » fournies permettent la mise en œuvre facilitée d’aménagements ; et d’autre part, que la réflexion suscitée imprègne au fur et à mesure l’ensemble des projets d’aménagements des villes.

Formidables occasions de bénéficier d’une vision extérieure qui intègre une approche multifonctionnelle de la nature en ville pour engager les territoires dans la durabilité, les études de potentiel de végétalisation que porte EVEN servent aussi plus largement à la « dédramatisation » de la place de la nature en ville aussi bien pour les décideurs publics que pour les habitants.

Marine Applagnat-Tartet, Audrey Guiraud et Perrine Jourdren