Par Christopher RUTHERFORD
Centralités : remettre l’église au milieu du village.
Revitaliser son cœur de bourg, son cœur de ville, redynamiser les centralités urbaines, conforter le centre-ville … Les documents d’urbanisme élaborés ces dernières années ne manquent pas de bonnes intentions en ce qui concerne les centralités. Pourtant, face à ces enjeux, le sentiment d’impuissance est palpable chez bon nombre d’élus locaux. Les diagnostics les plus récents établis sur nos territoires d’intervention convergent : les centralités présentent de plus en plus de logements et de cellules commerciales vides, qui ne trouvent plus preneur. Le parc bâti est en cours de dégradation et un manque de vie se fait ressentir dans les espaces publics. Ce constat est particulièrement marqué sur certains pôles périurbains, qui ont laissé se développer une périphérisation des fonctions commerciales de proximité et des commerces de petite taille (boulangeries drive-in, pharmacies le long des ronds-points, petits mails commerciaux dupliquant le centre-bourg en bordure d’un axe passager …).
Centre-ville de Châteauneuf sur Sarthe (49)
Aujourd’hui, la prise de conscience des problèmes que pose cette perte de vitalité des centralités entre dans les esprits. Le succès de publications telles que le livre au titre choc d’Olivier Razemon (« comment la France a tué ses villes »), et la multiplication des colloques et conférences-débats portant sur le sujet en attestent. Mais, si le diagnostic semble de plus en plus partagé, les solutions à mettre en place, elles, continuent à faire débat.
Etalement périphérique VS confortement des centralités : 1-0
La volonté de gestion des équilibres entre centralités et développements périphériques a conduit l’Etat à se doter de règlementations spécifiques, portant à la fois sur des intentions générales (l’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés et la revitalisation des centres urbains et ruraux figure parmi les premiers objectifs assignés aux documents d’urbanisme) et sur des politiques sectorielles (le rôle des SCoT et PLU(i) en matière d’urbanisme commercial a ainsi été considérablement renforcé ces dernières années).
Sur cette question de l’urbanisme commercial, les pratiques des territoires divergent, mais des tendances se dessinent. Ainsi, s’appuyant sur les distinctions opérées par le code de l’urbanisme, la majorité des SCoT récents établissent des règles différenciées entre les « secteurs d’implantation périphérique » (zones commerciales de périphérie) et les centralités urbaines, au moment de définir les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d’une offre commerciale diversifiée de proximité. Ainsi, à titre d’exemple, le SCoT de l’Anjou Bleu (couvrant le nord-est du département du Maine-et-Loire) autorise tout type d’implantation commerciale en centralité, interdit les nouvelles implantations de commerces dont la surface est inférieure à 200 m² de surface de vente en secteurs d’implantation périphérique, interdit les nouvelles implantations commerciales en dehors des secteurs préférentiels définis (ce qui implique une interdiction des implantations des boulangeries drive-in le long des ronds-points par exemple).
De manière plus générale, ce SCOT affiche pour objectif de favoriser le maintien et le développement du commerce de détail de proximité dans les centralités urbaines. Ce point est important à souligner, car en l’absence de règlementation par le SCoT allant dans ce sens, tout avis négatif en CDAC face à un projet commercial risquant de fragiliser une centralité serait impossible. De la même manière, l’absence d’objectifs affichés dans le SCoT fragilise les PLU qui se voudraient volontaristes sur le sujet. Autre exemple, le PLUi de Terres de Montaigu (au nord de la Vendée) fait le choix d’aller plus loin que le SCoT, en transformant ses orientations en règles d’urbanisme, complétées par une Orientation d’Aménagement et de Programmation thématique portant sur le commerce, et venant notamment préciser les vocations des différents pôles commerciaux du territoire.
Ainsi, comme on peut le voir, de nombreuses collectivités sont aujourd’hui prêtes à établir une règlementation des implantations commerciales visant à protéger le rôle des centralités. Mais, comme le souligne David Lestoux dans son ouvrage intitulé « revitaliser son cœur de ville », l’évolution des modes de vie et de consommation fait qu’il est vain de courir après un but inaccessible, qui consisterait à recréer les centralités d’hier. Au-delà de l’opposition centralités vs périphérie, la véritable question consiste aujourd’hui à trouver en quoi les centralités peuvent se démarquer et s’inventer un avenir?
Organiser la revanche des centralités
Les politiques commerciales, tout comme la mise en place d’une OPAH ou la requalification d’espaces publics, pris isolément, ne suffisent pas. Comme le souligne l’EPF de Bretagne dans sa brochure intitulée « remettons de la vie dans nos centres bourgs », l’attractivité des centralités se joue sur un tableau plus vaste : la qualité du logement, mais aussi les pratiques sociales, les équipements, les services, les commerces disponibles, la proximité de l’emploi ou encore l’aménagement des espaces publics et du stationnement sont autant de questions à traiter d’un seul tenant. Le département de Maine-et-Loire s’inscrit dans la même logique, en ayant inscrit la revitalisation de centres-bourg comme une priorité dans le cadre du projet de mandature Anjou 2021 et en ayant créé le dispositif Anjou Cœur de ville. Ce dispositif consiste, pour les collectivités qui y participent, à mener deux étapes complémentaires :
Ainsi, de plus en plus de territoires mènent désormais des réflexions transversales concernant la revitalisation de leurs centralités, en abordant l’ensemble des sujets qui participent à « remettre de la vie dans les bourgs ». Ces démarches, encore expérimentales, présentent des premiers résultats encourageants. Elles mettent également à jour des questionnements nouveaux, liés notamment aux outils disponibles pour le financement et le cadrage juridique des projets de revitalisation.
La complexité et la diversité des aides publiques proposées aux collectivités et aux particuliers nécessite de rendre les financements existants plus lisibles et accessibles. Il s’agit de manière plus globale de redonner une image positive aux centralités. La communication et le marketing territorial font partie de la solution, tout comme le renforcement du rôle culturel et ludique de l’espace public. Il s’agit également de rendre le bâti ancien compétitif : pourquoi la rénovation du bâti ancien ne pourrait-elle pas devenir une manière d’accéder à la propriété ? Il s’agit enfin d’associer les habitants des communes concernées aux réflexions, dans la mesure où ils en sont les usagers potentiels.
Action !
Attirer les populations, les services, les commerces et les entreprises en centralité plutôt qu’en extension périphérique est plus compliqué, plus risqué, plus coûteux à court terme que de s’étendre sur des terres agricoles. Jusqu’à maintenant, la plupart des communes font donc de l’étalement, plus par défaut que par volonté délibérée. Elles y participent parfois activement en installant en périphérie les services publics, les zones d’activités commerciales ou le siège de la communauté par exemple.
Cet étalement dévitalise les centralités, au détriment de l’image de la commune et donc de son attractivité globale. Aussi, la question qui se pose n’est plus de savoir si il faut agir, mais bien d’expérimenter le « comment agir » ? De nombreux outils et aides sont en cours de constitution, il est maintenant temps de passer à l’action !
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