Julien Bertrand & Delphine Gémon
10 000… Ce n’est pas le résultat du loto ou la liste de vos followers sur twitter mais le nombre de pas que chaque être humain devrait parcourir par jour pour être en bonne santé selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Mais combien en faites-vous, vous qui prenez le métro pour aller au travail et enfourchez votre scooter pour aller chercher votre pain à 5 minutes de la maison? Laissez-vous tentez par l’exercice…mais il y a fort à parier que vous serez en dessous de la moyenne française qui est de 7911 pas…
C’est un fait, nous sommes devenus citadins et nous bougeons moins que nos ancêtres. Cela serait encore acceptable si notre cadre de vie lui ne s’était pas considérablement dégradé. Aujourd’hui, « vie citadine » et « santé publique » sont ainsi loin de former une parfaite idylle.
Une société intoxiquée !
Si à une échelle globale, l’état de santé des populations s’est grandement amélioré au cours des dernières décennies, ce n’est peut-être plus pour longtemps… La concentration sur des espaces limités de populations et d’activités conduit à de forts taux de pollution de toutes sortes : atmosphériques, sonores, aquatiques etc. Ne serait-ce que la pollution de l’air provoque chaque année la mort prématurée de plus de 5,5 millions de personnes à travers le monde. C’est bien plus que le Sida ou le Paludisme ! A ce constat sanitaire alarmant, s’ajoute une transformation de nos modes de vie très peu propice à l’effort. La société de consommation en privilégiant le tout routier a à d’une part réduit au strict minimum le nombre de déplacements journaliers par habitant, et d’autre part accentué la pollution de l’air…
Les pouvoirs publics prennent progressivement conscience de cette problématique. Mais il est très difficile de sortir de ce cercle vicieux quand les principales directives réglementaires consistent à toujours plus de densité urbaine pour lutter contre l’étalement urbain lui aussi couteux socialement et écologiquement… Si la durabilité passe par la densité et l’intensité, alors il devient urgent de penser des contrepoids. Pour s’en convaincre, jetons un œil sur les villes méditerranéennes de France, d’Espagne ou du Maghreb. Extrêmement densifiées, sans espaces verts et marquées par un fort étalement urbain anarchique elles en deviennent presque indigentes.
Un deuxième élément doit également nous préoccuper. Cela n’échappe à personne, la population occidentale vieillit… … En 2030, dans certaines villes – notamment les cités méditerranéennes comme Cannes ou Saint Raphael – 1 habitant sur 3 aura plus de 85 ans … Or bien vivre en ville, c’est aussi bien vieillir car ces populations sont parmi les plus sensibles aux environnements négatifs.
Il y a donc urgence à adapter la ville aux cycles de la vie de ses populations et de son environnement. Le droit à un environnement de qualité, meilleur que ce qu’il a été hier est donc fondamental. C’est la base de l’écologie au sens étymologique du terme : la science de l’habitat. Le travail de l’urbaniste doit s’inscrire autour de quatre grands principes : favoriser les modes de déplacement doux et privilégier un cadre agréable, sain et sûr.
Inspirez… Reproduisez…
Heureusement on y arrive progressivement. Chaque grande opération urbaine en France portée par un grand nom de la promotion immobilière, propose aujourd’hui un ilot de verdure voire un jardin partagé… mais c’est encore une vision trop cosmétique et sanctuarisée de la nature pour porter un véritablement renouvellement urbain
On peut s’inspirer d’un certain nombre de réalisations de par le monde. La ville Néerlandaise propose par exemple, des taux de densité et une qualité de vivre ensemble assez exceptionnels. Ils arrivent à faire cohabiter logements et vrais ilots de nature vivants. Intégrer un véritable réseau de nature en ville doit donc devenir une priorité : le vert purifie, crée des lieux récréatifs et ludiques, et puis bien sur productifs !
Des vélos pour les bobos… mais du béton pour les keupons ?
Nous devons veillez à ne pas créer une nouvelle fracture territoriale car les risques pour la santé des citadins ne sont pas homogènes d’un point de vue socio-spatial. En effet, les inégalités socio-économiques, culturelles ou d’accès au service de santé conduisent également à des inégalités sanitaires…Par exemple, il existe des différences très importantes de mortalité des populations qui vivent au long du parcours B du RER parisien : que l’on habite le Nord Est industriel et ouvrier de la région parisienne ou le Sud-ouest Tertiaire plus aisé, on n’a pas la même espérance de vie.
Le mythe du périurbain bien heureux promu dans les années 1960 a vécu. Ces territoires dédiés loin des centres villes sont au cœur des matrices de déplacements autoroutiers et concentrent toutes sortes de nuisances. Quelle place donner aux loisirs et à la vie sociale quand on passe 4 heures dans les embouteillages pour aller et rentrer du travail (sans compter la pollution induite) ? Quelle qualité sociale et alimentaire accorder à ces galeries commerciales, ces multiplexes sportifs ou cinématographiques qui fleurissent en périphéries et uniquement accessibles en voitures ?
Au-delà même de la seule question sanitaire c’est la santé du « vivre ensemble » qu’interroge cette planification issue des Trente Glorieuses. Avec un cadre de vie abandonné au béton, totalement fonctionnalisé et qui ne laisse pas place au déplacement piéton, comment s’étonner du développement de la criminalité dans certains grands ensembles isolés ? Comment parler sereinement de citoyenneté et d’autonomie quand son cadre de vie en est la négation la plus fondamentale… ?
Il s’agit d’une véritable question de santé démocratique. C’est là tout l’enjeu pour les aménageurs, les acteurs locaux d’en saisir toute la complexité de manière à pouvoir aller vers un aménagement urbain plus sensible à l’humain et à ses besoins.
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