Article rédigé par Julien Meyrignac et Matthieu Miralles.
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La crise de la dette défraie la chronique : l’incertitude et le pessimisme nous gagnent à l’aune des trous d’airs boursiers et des épilogues répétitifs de sommets européens qui révèlent depuis plusieurs mois les faiblesses structurelles des Etats et la fragilité de l’édifice européen.
La crise de la dette est une crise des gouvernances publiques qui perdent peu à peu toute marge de manœuvre financière. Les villes ne resteront donc pas à l’écart d’une crise dont on pressent qu’elle atteindra son acmé en 2012.
Les villes seront-t-elles plombées par les réductions d’investissement des collectivités publiques plombées par la dette, ou bien rebondiront-elles avec l’émergence de nouveaux modèles, de nouvelles initiatives ?
Certes, la fabrication de la ville est un processus à grande inertie d’action (long terme) et les réflexes acquis des décideurs et des investisseurs pèsent sur les pratiques. Certes, l’actualité est une tyrannie qui nous contraint à réfléchir dans l’urgence (court terme).
A l’évidence, pour affronter la crise, la ville doit rompre le cercle vicieux à l’œuvre –réfléchir sur le court terme et agir sur le long terme- pour l’inverser. C’est tout particulièrement dans ces circonstances qu’il convient de voir loin et d’agir vite, bref de faire de l’urbanisme.
Examinons le marasme hérité de la crise de 2008 (déjà de la dette, mais privée) dans lequel surnage le marché immobilier. En France, point de sub-prime ni d’expulsions, mais des effets bien visibles : la surproduction de logements, déconnectée des besoins réels mais soutenue par la défiscalisation, a massacré le marché immobilier de trop tranquilles (sous) Préfectures, en même temps qu’il paupérisait les classes moyennes+ des métropoles.
Chacun a pu voir le paysage stérile d’une économie urbaine fleurie d’une myriade de panneaux « à louer » sur des programmes aussi vides que neufs. Moins visibles, l’implosion des marchés de la location dans l’ancien, victimes colatérales de la surenchère, ou la réticence des acteurs de l’immobilier à investir dans les zones les moins attractives, et notamment dans le renouvellement urbain..
Et pour finir sur un paradoxe : cette crise qui doit beaucoup à des produits immobiliers « toxiques » qui ont soutenu l’activité du BTP, a fini par affecter socialement le secteur (emploi du bâtiment) par l’effondrement des mises en chantier du fait de la contraction de 2008/2010…
Le basculement de la problématique de la dette privée à celle de la dette publique est en train de produire ses premiers effets qui promettent d’être nombreux et pour certains analogues à ceux produits par la crise de 2008.
En premier lieu, les perspectives de l’immobilier. Pour Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université Paris Ouest, interrogé par l’AFP, “le nombre de mises en chantier devrait se situer entre 365 000 et 370 000 en 2011, mais devrait chuter à 335 000 en 2012 et 320 000 en 2013. Cela n’aura pas l’ampleur de la contraction de la crise de 2008 mais cela sera une sévère rechute“.
Les causes sont nombreuses. Les promoteurs pleurent la disparition annoncée du dispositif Scellier annoncée pour 2013, dont il y a tant de raisons de se féliciter par ailleurs (cf supra). D’autres mesures alimentent la morosité : la fiscalisation des plus-values immobilières, la forte réduction du volume de crédit pour le prêt à taux zéro (de 2,6 milliards d’euros en 2011 à 800 millions en 2011) et la hausse de la TVA sur les travaux et sur l’accession sociale à la propriété de 5,5 % à 7 %. Autant d’ingédients susceptibles de faire baisser la demande…et de doper les prix à la hausse, dans un contexte de diminution du volume des crédits accordés et de probable hausse des taux.
Les conséquences s’annoncent désastreuses sur le front de l’emploi : la suppression de 35000 postes est envisagée pour la seule année 2012.
Les sombres perspectives de l’immobilier, si elles se confirment, devraient également plomber, de façon quasi mécanique, l’horizon budgétaire des collectivités, concernées au même titre que l’Etat par la défiance des agences de notation et des marchés.
Un tel scénario pèserait comme à l’accoutumée sur les recettes fiscales assises sur les transactions immobilières (droits de mutation pour les Départements) et la dynamique immobilière (taxe d’habitation et taxe foncière). Moins de recettes, plus de dettes : les effets de la crise sur les comptes des collectivités seront décalés d’une à deux années, et se feront réellement ressentir en 2014.
Nul doute que les effets urbains de la crise ne seront pas homogènes d’un territoire à l’autre. Les régions très attractives devraient rester à l’écart des turbulences annoncées du secteur immobilier. En revanche les villes très fortement dépendantes d’une activité économique (secteur automobile par exemple) ou encore les quartiers sensibles pourraient être touchés par les effets croisés des plans sociaux et du désengagement public.
Rassurons-nous, le Qatar, après s’être porté au chevet du PSG, semble décidé à investir dans les ZUP. Pour le meilleur ?
Pour conclure, une réflexion sur les formes urbaines : la crise peut-elle produire des effets sur la morphologie des villes ?
Difficile pour l’heure d’avoir des certitudes mais la crise devrait ébranler un peu plus l’étalement urbain -coûts de l’aménagement pour les collectivités, des déplacements pour les habitants-, sauf dans les secteurs très tendus sur le plan foncier que les EPF ne parviendront plus à réguler (pour peu qu’ils y soient déjà parvenus).
La crise va renforcer la nécessité de produire une ville durable –déjà une exigence politique-, mais durable…pour les finances publiques. La mixité fonctionnelle pourrait devenir, non-plus un dada de technos et d’élus éclairés, mais bel et bien une condition économique à la réalisation des projets.
Seule la mixité permettra de rationaliser les investissements (transports et infrastructures) et la gestion de l’espace urbain par l’association des fonctions et la mutualisation des espaces.
Nous, urbanistes de Citadia, sommes prêts à relever le challenge : fabriquer l’urbain en période de rigueur, avec moins de public et moins de privé, avec raison et sobriété.
Chiche ?
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