Texte très attendu du fait de l’introduction d’actions permettant de tendre vers l’objectif du « zéro artificialisation nette », ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 10 février 2021 et renvoyé à la commission spéciale chargée d’examiner le projet. Ce document sera discuté devant le Parlement à partir du 29 mars 2021 en procédure accélérée. Le présent article synthétise ce projet de loi.

I-LIMITATION DE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS EN ADAPTANT LES REGLES D’URBANISME

Principe relatif à la limitation de l’artificialisation des sols

L’objectif de limitation de l’artificialisation des sols est posé :

« Afin de tendre vers l’objectif d’absence de toute artificialisation nette des sols, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la date de promulgation de la présente loi doit respecter l’objectif de ne pas dépasser la moitié de la consommation d’espace observée sur les dix années précédant cette date ».

Pour ce faire, l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme devra résider dans un équilibre entre :

  • la maîtrise de l’étalement urbain,
  • le renouvellement urbain et l’optimisation de la densité des espaces urbanisés,
  • la qualité urbaine ainsi que la préservation et la reconquête de la biodiversité et de la nature en ville,
  • la protection des sols naturels, agricoles et forestiers (art L.101-2 Code urbanisme).

La notion d’artificialisation est définie au sein du projet de loi :

« Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affecte durablement tout ou partie de ses fonctions. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées » (art L.101-2 Code urbanisme).

Un décret en Conseil d’Etat fixera les conditions d’application précitées. Ce décret établira une nomenclature des sols artificialisés en fonction de leur occupation et de leur usage, ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée.

  • Comment cette limitation de l’artificialisation des sols doit être traduite dans les documents de planification?

Pour l’élaboration d’un SRADDET, d’un SAR, du SDRIF, du PADD de Corse, d’une carte communale, d’un PLU et d’un SCoT, ces documents devront fixer une trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation nette des sols à horizon 2050 (objectif de la loi pour la reconquête de la biodiversité) avec un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranche de 10 années. Cette trajectoire doit donc être obligatoirement présente dans les documents d’urbanisme.

En ce qui concerne cette première tranche de 10 années, le rythme ne devra dépasser la moitié de la consommation d’espace observée sur les dix années précédant cette date.

Le projet de loi encadre l’évolution de ces documents en instaurant des délais butoirs à l’issue desquels ceux-ci devront inclure les objectifs de limitation de l’artificialisation des sols.

L’établissement d’un rapport annuel sur l’artificialisation des sols

Le Maire ou le Président de l’EPCI compétent en matière de document d’urbanisme, devra présenter au Conseil ou à l’assemblée délibérante un rapport annuel sur l’artificialisation des sols sur son territoire au cours de l’année civile, au plus tard le 31 mars de chaque année pour l’année civile précédente.

Le rapport devra rendre compte de la mesure dans laquelle les objectifs dans la lutte contre l’artificialisation des sols sont atteints. Un débat doit avoir lieu sur ce rapport.

Un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions d’application de cette disposition, dont le contenu du rapport.

L’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales entrainant une artificialisation des sols

L’autorisation d’exploitation commerciale ne pourra être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols.

Toutefois, une autorisation d’exploitation commerciale peut être délivrée par la CDAC si le pétitionnaire démontre dans l’analyse d’impact que le caractère justifié de la dérogation qu’il sollicite est établi au regard des besoins du territoire et des critères établis dans le projet de loi.

Seuls les projets inférieurs à 10 000 m² de surface de vente peuvent bénéficier de cette dérogation. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de ces dispositions.

Les zones d’activité économique

  • L’établissement d’un inventaire des Zones d’Activité Economique (ZAE)

Chaque autorité compétente en matière de création, d’aménagement et de gestion des zones d’activité économique devra établir un inventaire de ces zones sur le territoire sur lequel elle exerce cette compétence. Cet inventaire sera actualisé tous les 6 ans.

La définition des zones d’activités économiques est posée ici : « Sont considérées comme des zones d’activité économique, au sens de la présente section, les zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire».

Après consultation des propriétaires et occupants des zones pendant un délai de 30 jours, l’inventaire est arrêté par l’autorité compétente.

  • La mise en demeure de procéder à la réhabilitation de locaux

Pour les ZAE faisant l’objet d’un contrat de projet partenarial d’aménagement ou situées dans le périmètre d’une ORT :

Lorsque l’état de dégradation ou l’absence d’entretien par les propriétaires des locaux identifiés dans l’inventaire précité, compromet la réalisation d’une opération d’aménagement ou de restructuration de la zone d’activité, le Préfet, le maire après avis du conseil municipal ou le président de l’EPCI compétent, après avis de l’organe délibérant de l’établissement, peut mettre en demeure les propriétaires de procéder à la réhabilitation des locaux, terrains ou équipements de la zone.

Lorsque les propriétaires n’ont pas manifesté dans un délai de 3 mois la volonté de se conformer à la mise en demeure ou lorsque les travaux de réhabilitation n’ont pas débuté dans un délai d’un an, l’expropriation des locaux peut être engagée au profit de l’Etat, de la commune, de l’EPCI ou d’un EPA.

La réalisation d’une étude potentielle de changement de destination pour les constructions ou démolitions d’un bâtiment

Préalablement aux travaux de construction d’un bâtiment, il devra dorénavant être réalisé une étude du potentiel de changement de destination et d’évolution futurs de celui‑ci.

La personne morale ou physique chargée de la réalisation de cette étude remet au maître d’ouvrage un document attestant sa réalisation. Le maître d’ouvrage transmet cette attestation au ministre en charge de la construction avant le dépôt de la demande de permis de construire.

Un décret en Conseil d’État à venir déterminera les conditions d’application et, notamment :

  • prévoira les catégories de bâtiments pour lesquelles cette étude doit être réalisée et le contenu de celle‑ci ;
  • fixera les compétences des personnes chargées de la réalisation de cette étude
  • précisera le contenu de l’attestation remise au maître d’ouvrage.

De même préalablement aux travaux de démolition d’un bâtiment nécessitant la réalisation d’un diagnostic relatif à la gestion des déchets générés (art L.126-34 Code construction), le maître est tenu de réaliser une étude évaluant le potentiel de changement de destination et d’évolution du bâtiment. Cette étude est jointe au diagnostic.

Un décret en Conseil d’État détermine le contenu de cette étude et précise les compétences des personnes physiques ou morales chargées de sa réalisation.

En termes de dispositions transitoires, cet article entre en vigueur le 1er janvier 2023.

II-LUTTE CONTRE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS POUR LA PROTECTION DES ECOSYSTEMES

L’instauration d’un droit de préemption dans tous les espaces naturels sensibles

Le droit de préemption est réinstauré pour les périmètres sensibles créés par l’Etat antérieurement à la loi du 18 juillet 1985 instituant les espaces naturels sensibles.

La possibilité de prendre des ordonnances

Le gouvernement est autorisé à prendre des ordonnances pour :

  • déterminer les critères d’identification des collectivités concernées par le recul du trait de côte et les modalités de délimitation des zones exposées à plus ou moins long terme à ce recul au sein de ces collectivités ;
  • améliorer le dispositif d’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques prévu à l’article L. 125‑5 du code de l’environnement, en rendant cette information plus précoce et en y intégrant une information sur l’exposition de la zone concernée au recul du trait de côte ;
  • planifier durablement l’adaptation des territoires, en prenant en compte le recul du trait de côte et les besoins de relocalisation dans les documents d’urbanisme, notamment par un zonage spécifique, et en prévoyant des règles de constructibilité adaptées ;
  • Pour celles des zones exposées au recul du trait de côte dans lesquelles la réalisation de constructions, installations et aménagements serait autorisée sous réserve de leur démolition à terme, de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles cette démolition est organisée ;
  • définir ou adapter les outils d’aménagement et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en instaurant un droit de préemption spécifique et en ajustant les missions des établissements publics fonciers et des gestionnaires de foncier public, ainsi qu’en définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, et, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d’expropriation et les mesures d’accompagnement ;
  • créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, par lequel un bailleur consent à un preneur des droits réels, en contrepartie d’une redevance foncière, en vue d’occuper ou de louer, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments situés dans des zones exposées au recul du trait de côte ou à des risques naturels aggravés par le changement climatique ;
  • prévoir des mesures d’adaptation pour l’Outre‑mer, en particulier en ce qui concerne la zone littorale dite « des cinquante pas géométriques ».

III-LA RENOVATION DES BATIMENTS

La performance énergétique des bâtiments

Le projet de loi donne une assise législative aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE). Les seuils correspondants aux bâtiments ou parties de bâtiments (Classe A très performant à G extrêmement consommateur d’énergie) sont insérés dans le Code de la construction.

Tous les bâtiments d’habitation dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 doit disposer d’un DPE dont les seuils sont listés à l’article L.173-1-1 du Code de la construction. Les DPE doivent être renouvelés ou mis à jour au minimum tous les 10 ans, sauf si le DPE initial a classifié le bâtiment très performant, performant ou moyennant performant. Cette disposition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

Des exceptions sont prévues pour certains immeubles collectifs en ce qui concerne les DPE.

Par ailleurs, en fonction du DPE, les montants des loyers pourront être limités.

À compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance d’un logement décent ne pourra être inférieur au niveau très peu performant.

L’audit énergétique

Dans le cas des bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation offerts à la vente, qui comprennent un ou plusieurs logements ne relevant pas des dispositions de la loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 et qui sont extrêmement consommateurs d’énergie ou très consommateurs d’énergie, un audit énergétique est réalisé.

Le contenu de l’audit sera défini par décret. Néanmoins, d’ores et déjà il est mentionné que l’audit comportera des propositions de travaux dont au moins :

  • une solution devra permettre d’atteindre le niveau performant ;
  • une solution devra permettre d’atteindre au moins le niveau très peu performant.

Par ailleurs, l’audit devra mentionner l’impact des travaux sur la facture d’énergie et fournir des ordres de grandeur des couts associés à ces travaux et les aides publiques existantes.

Le développement des missions du service public de performance énergétique de l’habitat

Ce service vise dorénavant à accroitre le nombre de projets de rénovation énergétique et à faciliter leur planification. Sa mission d’accompagnement gratuite comprend un appui à la réalisation d’un plan de financement, à la réalisation et à la prise en main des études énergétiques réalisées, ainsi qu’une assistance à la prospection et à la sélection des professionnels compétents.

Alexandra Huard