par Julien Meyrignac (Citadia) et Marie-Odile Farineau (SCET)
Découvrez l’article publié hier dans Cadre de ville avec Julien Meyrignac, directeur général de Citadia -une filiale de la SCET-, et Marie-Odile Farineau, responsable du service aménagement et développement économique de la SCET. Ces derniers nous livrent leurs éclairages sur les enjeux et les conditions locales de réussite d’une “Action Cœur de Ville”.
Le Plan Action Cœur de Ville national, et les Opérations de revitalisation de territoire prévues par la loi ELAN – qui entre en séance au Parlement cette semaine – annoncent une vague de projets. Comment les aborder ?
Julien Meyrignac, directeur général de Citadia -une filiale de la SCET-, et Marie-Odile Farineau, responsable du service aménagement et développement économique de la SCET, et, nous livrent leurs éclairages sur les enjeux et les conditions locales de réussite d’une “Action Cœur de Ville”.
Pour les deux responsables, les cœurs de ville, dont la revitalisation semble parfois un défi insurmontable, disposent de multiples atouts qu’il faut révéler à la lumière des grandes tendances sociétales, mais toujours dans une approche sur-mesure.
1. Chaque cas est spécifique
Un constat national est posé et partagé. Certains grands maux sont bien connus, ils concernent la totalité des centres des villes moyennes, mais ils ne doivent pas écraser les très diverses problématiques locales, toutes spécifiques.
Il ne peut donc y avoir de solutions génériques, ce que pourrait prêter à penser la notion de plan : si les causes des difficultés des centres-villes sont plurielles, ainsi doivent l’être les stratégies à mettre en œuvre pour créer les conditions locales d’une redynamisation profonde et surtout durable.
Du reste, le programme Action Cœur de Ville demande aux villes de suivre une méthode innovante permettant de réfléchir et agir à 360°, en intégrant toutes les dimensions prospectives de la ville : ses différentes échelles, temporalités, ses ressources naturelles, patrimoniales, humaines, usages, fonctionnalités, etc. C’est à ce titre que des aides financières (ingénierie et investissement) d’un niveau exceptionnel sont mobilisées : pour déterminer précisément les leviers de la reconquête urbaine, et les doter des moyens nécessaires.
2. Le facteur humain pour guider les approches pratiques
Pour chaque contexte urbain, il s’agit d’investiguer prioritairement le facteur humain. Si très fréquemment les problèmes fondamentaux sont locaux, une grande partie des ressorts le sont aussi.
Les ressources locales sont souvent les leviers les plus efficaces pour engager un mécanisme de redynamisation durable du centre-ville, et surtout l’inscrire dans la durée.
Ce qui n’écarte pas, bien entendu, toutes les solutions “exogènes” : politique nationale, mobilisation investisseurs etc. Mais elles sont appréhendées à l’aune de la réceptivité de chaque territoire en posant systématiquement la question : est-il bien prêt ?
La concertation publique (habitants, usagers etc) ancre, de ce point de vue notamment, la réflexion dans la profondeur du réel, dans le quotidien des villes. Les outils de demain, pour passer d’une vision à 360° à cette approche 3D de la ville, s’appuient sur la puissance du big data, pour prendre de la hauteur et objectiver chaque contexte.
3. Des politiques de redynamisation largement locales
Nous faisons le constat que l’investissement dans les politiques de redynamisation de centres-villes sont très largement locales.
Premier exemple, la mobilisation pour lutter contre la vacance immobilière : les propriétaires des biens vacants habitent dans l’immense majorité des cas le territoire. Ils sont dans des schémas psychologiques et/ou patrimoniaux dont il n’est pas si difficile de les faire sortir … à condition d’établir un dialogue sur des objectifs clairs et gagnant-gagnant à terme. Il en est de même pour la création de produits logements innovants et attractifs, capables de concurrencer en agrément et prix l’offre immobilière périphérique. Pour y parvenir, il faut sortir des schémas classiques de la promotion immobilière : inviter les promoteurs à changer de focales et innover, ou bien trouver d’autres voies comme l’auto-promotion.
Autre exemple, la réconciliation de toutes les échelles territoriales, et particulièrement le centre et la périphérie sur la question commerciale. Si la ville souhaite relancer une rue commerciale, c’est souvent les commerçants de la galerie du centre commercial de périphérie qui sont les plus sûrs candidats à l’expérience.
Dernier exemple : n’y-a-t-il pas de meilleur contexte au développement des tiers-lieux que les villes-moyennes ? Les professions libérales, créatives n’y trouvent pas, le plus souvent, de locaux adaptés à leur activité, ont des besoins de mutualisation de certains services… Sauf que les investisseurs et opérateurs de tiers-lieux négligent les villes-moyennes. Il faut alors trouver des investisseurs et gestionnaires locaux : c’est un travail de mise en relation de la demande et de l’offre, un travail de catalyse.
Il faut comprendre les conditions à réunir pour convaincre ou simplement déclencher ces initiatives locales. Et ensuite les accompagner avec le plus grand souci d’efficacité : mettre en place les bonnes procédures et/ou les montages expérimentaux (portage foncier, baux etc) qui vont réduire la prise de risques de ces acteurs locaux
4. La mobilisation des ressources locales, nécessaire mais pas suffisante
La mobilisation des ressources locales à forte valeur ajoutée pour le projet de redynamisation du centre-ville est un préalable à la démarche, elle est nécessaire mais parfois pas suffisante.
A ce titre, la gouvernance du projet joue un rôle fondamental en ce qu’elle doit garantir l’adhésion des acteurs et fixer un cap jugé par tous réaliste, sécurisant les engagements de chacun. Mais il faudra aussi parfois aller chercher des ressources à l’extérieur du territoire, notamment pour engager des actions à fort rayonnement. Ce sera d’autant plus aisé que le projet sera perçu comme manifestement solide et fédérateur.
Par exemple, le projet de “foncière commerces”, que nous accompagnons à l’échelle de 7 villes moyennes de la Région Centre Loire, se construit sur une mobilisation locale très large (collectivités, bailleurs sociaux etc.). A Nancy, où nous finalisons les derniers éléments de création d’une foncière également, la mutualisation souhaitée par tous les partenaires a abouti à la constitution d’un capital supérieur à l’objectif initial. Ce type d’investissement est par ailleurs soutenu par la Caisse des Dépôts, qui a réservé une enveloppe nationale de 200 millions d’euros pour la création de ces structures.
Le volet investissements exogènes de ces projets “Cœur de Ville” sera sans aucun doute très largement dévolu aux déclinaisons locales des nouvelles tendances de la vie en ville, qui sont les conditions de leur renouveau : le e-commerce, les nouvelles mobilités, la recherche d’expérience urbaine…
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