Par Vincent Ferrand

Vous ne savez plus lire une carte qu’à l’aide de votre GPS ? Vous ne passez plus vos vacances sans réserver vos locations sur Airbnb ? Alors posez votre smartphone une seconde car ce qui va suivre pourrait vous intéresser…
Savez-vous que le temps passé sur internet à répondre à vos emails, commander vos prochaines courses ou débattre sur les réseaux sociaux… fait de vous des acteurs de la ville intelligente ? Chacune de ces actions insignifiantes prises individuellement, produisent sans que l’on se rende compte des volumes pharamineux de données (les méga-donnés ou « big data »). Cette colossale production de data est une véritable mine d’or pour tous les industriels et les aménageurs de la ville qui cherchent à anticiper les usages et désirs des citoyens… Elle ouvre la voie vers une nouvelle ère : celle de la fabrique urbaine numérique antichambre d’une nouvelle forme de citoyenneté 2.0 : entre espoir d’une ville plus réactive et proche de ses habitants et crainte de l’avancement d’une société de la surveillance généralisée…

Du collaborateur inconscient…

La révolution numérique pose un certain nombre de questions techniques encore peu considérées mais surtout ouvre le champ des possibles. Désormais chacun collabore même inconsciemment à la production de la connaissance des villes… Réussir le pari d’une ville plus intelligente en prise avec les usages réels des citoyens suppose donc d’être en capacité d’extraire du web un nombre considérables d’informations non structurées et d’imaginer des solutions innovantes d’aide à la décision.

Les aménageurs sont en train d’adapter leur méthodologie de travail pour récupérer ces données, les gérer, les organiser et les valoriser dans les études urbaines… Car si pendant longtemps les professionnels de l’aménagement n’avaient à leur disposition que des données provenant de sources institutionnelles (l’IGN, INSEE…), aujourd’hui ces dernières ne suffisent plus… A titre d’exemple une étude de qualité sur le tourisme ne peut plus se satisfaire des données récupérées auprès des communes sur la base des professionnels de l’hôtellerie. Elle doit nécessairement intégrer les bases de données de plateformes comme Airbnb ou Booking.com qui disposent d’informations très précises…
La balle est désormais dans le camp des acteurs privés qui doivent s’adapter à cette information en flux continus… En 2016 les français passent en moyenne plus de 18h par semaine sur Internet. Ce chiffre nous prouve bien que le numérique est devenu au même titre que la place du village, le nouveau lieu de la vie sociale.

… aux citoyens intelligents

Mais le big data ce n’est pas seulement une production passive de données… Il donne l’opportunité à chacun de devenir acteur de la ville au quotidien.
Si l’on prend l’exemple des documents d’urbanisme comme les PLU ou les PLH, ils sont souvent peu accessibles et peu digestes pour le grand public. Mais grâce à un traitement numérique, le document n’est plus un simple vecteur d’information figé et scénarisé… il devient interactif et évolutif. Demain, à l’aide d’une solution digitale ludique et pédagogique, le lecteur citoyen pourra croiser les données, composer lui-même les corrélations et synthèses qui lui permettent de comprendre le territoire.

Citadia ville productive

Dans ce cas de figure les documents, plutôt que d’être renouvelés tous les dix ans, s’alimenteront années après années (voire mois par mois) grâce à une mise à jour des bases de données au moyen d’un logiciel performant qui étudiera les données produites par les habitants dans leur vie quotidienne (déplacements, consommation, loisirs…). Les problématiques des territoires seront donc en temps réel susceptibles d’être connues des décideurs et des citoyens…

Cela ouvre aussi le champ à de nouvelles formes de participations citoyennes sur des projets précis. Les logiciels comme Carticipe ou Open Street Map offrent déjà de bons exemples de cartographies participatives où les habitants amendent et construisent collectivement leur vision du territoire. D’autres formes d’application comme TellMyCity® permettent à chaque citoyen de signaler un dysfonctionnement à la municipalité, suggérer une idée ou encore féliciter une initiative de la ville le tout depuis son smartphone ou d’une page web ! Les possibilités sont donc nombreuses et laissent le champ libre à toutes les innovations !

Citadia - ville intelligente

Sortez couverts !

Alors doit-on craindre cette révolution numérique ? Car in fine toutes les données que l’on produit sur internet sont stockées et exploitées pour un usage pas toujours compatible avec l’intérêt général… Les SPAMS et autres publicités qui polluent nos écrans en sont un bon exemple, mais c’est le prix à payer pour accéder aux nombreux avantages de la vie numérique… Dire cela ne signifie pas pour autant manquer de vigilance. Il faut veiller à ce que cette utilisation ne conduise pas à système de surveillance généralisé. D’où l’importance d’éduquer la population à ces nouvelles pratiques numériques pour lui donner les moyens de contrôler sa propre utilisation du web.

Il y a toutefois de quoi se rassurer car la dynamique à l’œuvre en Europe et France semble s’orienter vers davantage de transparence et de contrôle de l’utilisation marchande des données, plutôt que d’une société orwellienne où nous serions à la merci de quelques géants du numérique comme Google, Amazon ou Facebook…
Mais il reste un certain nombre d’obstacles à franchir pour exploiter toutes les opportunités offertes par les nouvelles technologies. Par exemple, Il n’existe pas encore de véritable démarche organisée et centralisée concernant le big data. De ce fait, chaque territoire se retrouve parfois bien seul et désœuvré, ce qui complique le travail de collecte des données. De nombreuses administrations locales ont encore du mal à se familiariser avec les outils numériques tout autant que les citoyens. Les pouvoirs publics et les aménageurs doivent désormais s’attacher à éduquer et communiquer sur ces thématiques pour réduire véritablement la fracture numérique et encourager les citoyens à devenir des acteurs de leur ville !

Open Street Map ?

Cartographie collaborative ouverte à tous proposant une base de données géographiques en utilisant le système GPS et d’autres données libres.