Par Marie Antigny-Huleux

Nombreux Maires que nous côtoyons dans notre quotidien d’urbaniste peuvent se sentir démunis, d’autant plus lorsqu’ils administrent des petits villages ruraux, parfois même isolés. La baisse des dotations de l’Etat, les normes administratives, la complexification de l’urbanisme, les lois adaptées pour les métropoles mais jugées complètement inadaptées pour les petites communes de moins de 1.000 ou 500 habitants sont des sujets récurrents abordés par les élus ruraux lors de nos rencontres ces derniers mois.

Ces élus défendent leur territoire, disent parfois devoir défendre leur existence. « Nos communes sont les lieux qui conservent et protègent nos traditions, notre histoire, nos identités, nos mémoires collectives ; les lieux où se tissent les solidarités vraies, le sentiment d’appartenance, la conscience de nos racines ; les lieux qui préservent nos liens avec la Nature ; les lieux où se vivent le bénévolat, les rapports et les échanges humains qui corrigent et compensent les excès d’une mondialisation accaparante. »

Concernant la règlementation en matière d’urbanisme, les élus s’inquiètent des conséquences de la loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové). Pour eux, elle sonne le glas de toute construction dans les villages ruraux. Si nous ne pouvons plus construire dans les communes, c’est la mort et la désertification des villages ruraux.

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Alors dans ce contexte, lorsque l’on est urbaniste en charge de l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLU), la tâche n’est pas aisée et s’avère complexe. Au lieu de fédérer, l’élaboration du document d’urbanisme génère souvent de nombreuses crispations et les élus vivent difficilement les normes imposées. Ces normes qui ont tendance à privilégier depuis quelques années une approche quantitative (définir des objectifs chiffrés de la modération de la consommation de l’espace, analyser le potentiel de densification des espaces bâtis) à une approche qualitative (continuer à offrir de l’espace, des vues sur le grand paysage, etc.). Les élus des petites communes considèrent alors que les lois ne sont pas adaptées au contexte rural.

La volonté du législateur est de préserver le dynamisme des centres-villes, de limiter l’étalement urbain et la consommation de l’espace autour des grandes métropoles. Mais selon certains élus, il ne faut pas se tromper de cible : ce sont les zones périurbaines des grandes agglomérations qui se développent au détriment des centres-villes. La campagne doit rester attractive parce qu’elle offre de l’espace, la possibilité d’acquérir des terrains plus ou moins vastes et plus ou moins isolés, au calme de l’agitation urbaine. Pour ces Maires, en obligeant les territoires ruraux à une plus grande densification de l’habitat, la loi pourrait avoir comme effet de vider les campagnes, de « tuer » la vie des villages, car les habitants ne trouveraient plus ce pour quoi ils font le choix de s’y installer.

Les territoires isolés ont, paradoxalement, mieux résisté à la crise : faiblement industrialisés, ils ont perdu peu d’emplois. Ils gagnent, en outre, des habitants, en particulier des retraités. Ils vivent beaucoup de l’économie dite résidentielle : tourisme, services de proximité, etc.

C’est ainsi que pour développer de nouvelles activités liées au numérique, certaines collectivités font preuve d’innovation. Un récent reportage mettait en avant les initiatives de 3 élus motivés par la lutte contre la désertification rurale.

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Tourisme en Dordogne (24)
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Epicerie bio proposant des produits de producteurs locaux à Saint-Pierre-de-Frugie

A Saint-Martin-le-Redon (Lot), Monsieur le maire  Roger Lassaque profite de la proximité du château de Bonaguil pour accueillir les touristes. Aux Voivres (Vosges), Monsieur  le maire Michel Fournier a obtenu la mise en place de l’Internet très haut débit par les airs qui a séduit les start-up et à Saint-Pierre-de-Frugie (Dordogne), Monsieur le maire Gilbert Chabaud fait de son village écologique un exemple à suivre.

Il y en a encore beaucoup d’exemples comme ceux-ci témoignant d’élus se démenant pour la survie de leur village.

Récemment, dans son discours au congrès des Maires, le chef de l’Etat a affirmé « Il faut rompre avec l’uniformité de traitement, l’uniformité des normes, car les territoires sont très différents, entre des zones rurales, urbaines, de montagne, littorales (…) Il s’agira de permettre aux collectivités de pérenniser une expérience réussie sans que celle-ci ait vocation à être généralisée au niveau national (…) » Il propose de « donner plus de pouvoirs aux services déconcentrés de l’Etat, et plus de responsabilités, pour que les préfets privilégient l’esprit des textes sur leur application tatillonne », selon l’idée d’un « Etat partenaire ».

Un discours rassurant pour les élus ruraux et un nouveau champ d’expérimentation enthousiasmant pour les urbanistes que nous sommes où le projet pourra faire bouger les lignes !